Si Dima m’était conté…

1994 WAG à Vila do Conde (Portugal)

Juste un clin d'oeil puisque je ne le connaissais pas encore personnellement mais, en revanche, je me souviens très bien de l'impression que j'avais ressentie dans sa finale individuelle. Sasha était passé et avait mis la barre haute à un tel point que la seule façon de gagner était de faire plus de diff. que lui. Et, c'est ce que Dima a tenté de faire. J'avoue très franchement que je respecte encore ce choix.

1995 Coupe du Monde à Vancouver (Canada)

Nous arrivons dans les résidences avec l'équipe de France. Je partage la chambre avec Fabrice Hennique lorsqu'il aperçoit par la fenêtre Dima... Il lui balance un « pachanarouille » (traduction russe de va t'faire e.....r en bon Français de chez nous) par la fenêtre et Dima, qui ne se laisse jamais démonter, lui répond par un franc « ta gueule, fils de p..e ». Comment imaginer meilleure entrée en matière ? S'en suivirent des heures d'entraînement au gymnase et, surtout, les nombreuses « pose clope » de Dima auxquelles j'avais le privilège d'être convié (un comble pour moi qui ne fume pas) Dima parle un Anglais très compréhensible et, je le harcelais de mes questions sur la méthode d'entraînement soviétique et les glorieuses de l'URSS. Je pensais l'ennuyer mais, au contraire, une complicité est née. Je pense qu'il était touché que ce petit Français s'intéresse à lui et, surtout, à l'histoire du trampoline. A partir de cet événement, nous n'avons jamais perdu contact.

1995 Championnat d'Europe à Antibes

Je le vois encore arriver au Résideal avec sa casquette Lacoste sur la tête. Lui qui regrettait de ne plus pouvoir rentrer dans son Léotard rouge, couleur communiste, qu'il avait fièrement porté au niveau mondial depuis déjà dix années, voulait toujours être au goût du jour. Pour moi, cette image résume tout le caractère du personnage: fier de son passé et, à la fois, à l'affût des dernières tendances. La compétition se déroule et, c'est au banquet qu'il vient me voir et m'annonce: « I think you have a better future than Kazak ». Un bien beau compliment de sa part.

1996 Gala FIG aux JO d'Atlanta (USA)

Un autre clin d'oeil. Réunis en plus petit groupe, nous avons eu l'opportunité de passer un peu plus de temps ensemble. Que ce soit dans le Metro pour nous rendre aux séances de « répétition » ou dans les résidences pour un dernier barbecue inoubliable. Rien de bien particulier sur le fait mais, ce qu'il m'avouera plus tard c'est que lorsqu'il m'a vu m'entraîner là-bas, il s'est dit: « shit, he could beat me ». Un bien beau commentaire de plus.

1996 Championnat du Monde à Vancouver

Aaaaah, Vancouver 96. Tout un championnat. Mais, ce que j'en retiens c'est, une fois plus, un commentaire issu du banquet. L'Allemand Michael Serth (géant vert pour les initiés) m'arrête pour me dire: « hey, Manu ! I just talked to Dima and I congratulated him for his winning. But, listen what he answered me: « today, I did not win... Manu lost ». Que répondre à un tel geste de chevalerie ?

1996 Coupe du Monde à Ostrava (République Tchèque)

Première coupe du Monde à la suite du championnat du Monde. Nous arrivons à Ostrava pour trouver deux et, seulement deux, trampolines catastrophiques (les pires sur lesquels je n'ai jamais eu à concourir !) Mais, c'est sur ces trampos médiocres que je remporte ma première victoire individuelle en coupe du Monde. Et, c'est Dima qui, suivant les scores de très près, a été le premier à me féliciter pour ma victoire. Un moment que je ne suis pas prêt d'oublier.

1996 Coupe du Monde à Frankfort (Allemagne)

Dernière « grosse » compétition de l'année. Cette fois-ci, les Eurotramp sont flambant neuf mais, la journée s'annonce longue puisque nous aurons qualifs et finales indiv. et synchro dans la même journée. Le réveil à 6:00 du mat' et le bus pour l'échauffement général à 7... Merci encore Horst. Quoiqu'il en soit, la journée fut exceptionnelle. Je remporte une double victoire et signe mon premier 14 (le premier 14 français homologué) en finale. Sur le podium, j'invite mes compères à partager la première marche mais, Dima décline l'offre: « I don't like it ». C'était ma première « réelle » victoire sur lui.

1997 Coupe du Monde à Auckland (Nouvelle-Zélande)

Une semaine avant, nous étions à Sydney pour une autre étape. Lors de la finale, j'avais tenté mon 14.7... Il s'est fini au bout de trois touches avec un ressort bien allongé me semble-t-il. Ce jour-là, Dima était venu me voir: « you want to beat my record ? » Un peu mon neveu ! Donc, une semaine plus tard: rebelote. Je remets ça et, bien que le finissant sur le tapis, l'homologue mon record du Monde. Je me souviens encore du regard de Dima quand il me serra la main. « Good job. You went for it and you did it ».

1998 Championnat du Monde à Sydney (Australie)

J'ai l'honneur de partager l'affiche avec lui sur une photo de notre synchro prise aux JO d'Atlanta.

2000 Jeux Olympiques de Sydney

Je me souviens ne pas lui avoir adressé la parole de sa finale manquée à la fin des Jeux. J'ai attendu un mois avant de le rejoindre par téléphone chez lui à Lafayette (USA) Nous avons parlé pendant près de deux heures. Il ne savait vraiment plus où il en était. Il ne comprenait pas pourquoi depuis les trois dernières années les juges le lésaient systématiquement. Il se sentait vieux. D'une autre époque... Mais, qu'il le veuille ou non, son époque à lui a toujours été étroitement liée à celle de Sasha. Alors, Sasha continuant, il n'avait d'autre choix que de prolonger son destin de trampoliniste.

Enfin, ce que je retiens de Dima, c’est sa fierté et son franc-parler. C'est aussi et surtout un prodigieux trampoliniste qui a su, pendant presque 20 ans rester au même niveau et produire le même libre. Il faut plus que de la force de caractère pour y arriver, il faut être phénoménal. Au sens propre du terme.

Ce que j’aime chez Dima, c'est cette froideur presque snob à première vue et l'extrême sincérité et fidélité de son amitié. Dima... C'est tout un phénomène. Au sens figuré du terme.